Delattre Levivier Maroc

Baisser de rideau pour Delattre Levivier Maroc. Lundi 9 janvier, la cotation des actions de la société spécialisée dans la construction métallique lourde a été suspendue à la Bourse de Casablanca, à la demande de l’Autorité marocaine du marché des capitaux, et ce, en attente de publication d’informations importantes.

L’information en question, dont la publication n’a toujours pas eu lieu à ce jour, est de taille : elle concerne la mise en liquidation judiciaire de Delattre Levivier Maroc par le tribunal de commerce de Casablanca. Une procédure qui met fin à l’activité de l’entreprise, purement et simplement.

La faillite de DLM n’est que l’ultime épisode d’un long feuilleton judiciaire, entamé au tribunal de commerce de Casablanca en 2019 et qui s’est joué en trois temps : procédure de sauvegarde d’abord, redressement judiciaire ensuite, et liquidation enfin.

Sauvegarde judiciaire
Entreprise florissante, considérée comme un fleuron industriel au Maroc et comptant parmi ses clients de gros donneurs d’ordre, comme OCP ou l’ONEE, DLM a commencé à partir de 2018 à éprouver des difficultés, suite à des tensions de trésorerie.

Des difficultés qualifiées alors de «temporaires» par ses dirigeants. Le 22 décembre 2019, la société est placée en procédure de sauvegarde afin de redresser ses finances, sauvegarder les emplois et entamer une réorganisation du groupe.

Si l’optimisme était encore de mise à ce moment, les dirigeants de DLM vont vite déchanter en 2020, année particulièrement difficile pour l’entreprise présidée par Jean-Claude Bouveur, dont la famille détient 50% du capital.

La crise sanitaire, qui a mis plusieurs gros chantiers à l’arrêt durant des mois, a porté un coup dur à l’activité de DLM, qui a vu son chiffre d’affaires annuel se limiter à 191 MDH en 2020, contre plus de 800 MDH en 2017.

Le résultat net est passé en territoire rouge, avec un déficit de 66 millions de dirhams. Dans le même temps, les dettes cumulées, notamment auprès des grandes banques de la place, se sont littéralement envolées, dépassant les 900 millions. «Début 2020, nous avions obtenu des résultats positifs. Nous avons été arrêtés en plein vol par la pandémie.

Nous sommes dans une phase de restructuration liée à la période du Covid-19», avait alors expliqué le directeur général de DLM Eric Cecconello à la presse.

Échec du plan de continuation
Les difficultés s’accumulant, le plan de sauvegarde sur 5 ans de DLM n’a pas été validé. Le tribunal a en effet converti, en avril 2021, la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire, après avoir constaté que la société est en cessation de paiement.

DLM évite ainsi, pour le moment, la liquidation judiciaire… «Cette décision montre clairement que malgré les grandes difficultés par lesquelles est passé DLM, la continuité de son activité n’est pas remise en cause», avait alors commenté le management de la société, résolument optimiste pour la suite.

D’ailleurs, le 22 février 2022, le tribunal de commerce de Casablanca a validé le redressement de Delattre Levivier Maroc avec un plan de continuation sur 10 ans.

Ce plan devait permettre d’apurer les créances de l’entreprise et de lui donner la visibilité nécessaire pour mettre en place une nouvelle stratégie.
Toutefois, les comptes de la société ont continué de s’enfoncer dans le rouge : en 2021, le chiffre d’affaires a de nouveau chuté de 30% à 133 MDH, tandis que le résultat net est ressorti déficitaire de plus de 400MDH! Face à ses difficultés, le plan de continuation fera long feu.

Le 4 novembre 2022, une demande de mise en liquidation de DLM est déposée au tribunal de commerce de Casablanca par un membre du comité des créanciers. «Le redressement judiciaire, contrairement à ce qui en était attendu, a accéléré considérablement les difficultés de recouvrement auprès des principaux clients dans les contrats en cours», avait alors commenté le management de DLM dans un communiqué.

Deux mois après cette demande, le tribunal de commerce livrait son verdict : c’est la liquidation judiciaire pour DLM, cette dernière étant dans l’incapacité d’honorer ses engagements définis dans le plan de continuation.

Il est à noter que DLM n’est pas la seule entreprise du secteur de l’industrie métallique à avoir rencontré de sérieuses difficultés. Stroc Industrie, également cotée à la bourse, a bénéficié d’un plan de sauvegarde en mai 2019, avant d’être placée à son tour en redressement judiciaire en 2022. Quant à l’entreprise Buzzichelli Maroc, elle a tout simplement été liquidée. Et la liste des entreprises défaillantes pourrait encore s’allonger.

Pour DLM, après 15 années de présence en bourse, c’est la radiation de la cote qui se profile, comme le prévoit la loi. Les actionnaires étant servis après les créanciers, ils ne devraient pas récupérer grand-chose. Un coup dur notamment pour les petits porteurs, qui n’ont plus que leurs yeux pour pleurer.

DLM : 70 ans de présence au Maroc

L’histoire de DLM au Maroc remonte au milieu du XXe siècle. En 1951, André Levivier fonde la Société d’études et de montage pour l’Afrique (SDEMA) pour participer à la réalisation des premiers dépôts pétroliers américains au Maroc. En 1970, la SDEMA devient DLM et s’installe à Ain Sebaa. C’est à cette époque que Jean-Claude Bouveur rejoint l’aventure comme cadre supérieur et décroche de nombreux marchés pour l’entreprise.

Durant la décennie 1970, DLM évolue dans un secteur composé de PME, pour un marché regroupant essentiellement l’OCP, la Samir et les centrales ONE. En 1988, Delattre Levivier France sort du capital de DLM.

S’ensuit une bonne période pour le groupe qui se lance dans les années 90 dans un programme de construction de cimenteries. En 2006, DLM développe des activités à l’exportation, au Sénégal, au Burkina Faso et au Congo, et entame une diversification de ses activités.

En 2008, c’est la consécration. La société entre en bourse par émission de 125.000 nouvelles actions au prix unitaire de 729DH, soit un montant global de 91 MDH. Après cette IPO, DLM a poursuivi son expansion en Afrique à travers le rachat de Gema Construct (Geco). La société a même décroché d’importants contrats en Europe, et notamment en France, avec le géant Areva.

En 2015, DLM, qui emploie 2.000 personnes, dépassait pour la première fois la barre du milliard de dirhams de chiffre d’affaires.

 

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